Le projet de naissance : écrire ce que l’on souhaite vivre, pour accueillir son bébé en conscience
Il y a ce moment, juste avant le massage prénatal, où tout se dépose.
Un thé fumant, un regard qui se croise, un souffle qui s’apaise.
C’est là que tout commence.
Avant même de poser mes mains sur une future maman, il y a cet espace que j’aime tant :
un espace d’échange, de confidence, de vérité.
Un moment suspendu où la femme en face de moi peut enfin dire :
« Voilà ce que je ressens. Voilà ce qui m’angoisse. Voilà ce que je ne dis à personne. »
Ce n’est jamais anodin.
Ce n’est jamais superficiel.
Ce n’est jamais “un simple moment avant un massage”.
C’est déjà un soin.
Un soin par la parole, par l’écoute, par l’humanité.
Parce qu’avant de toucher un corps, j’écoute une histoire.
Et aucune histoire ne ressemble à une autre.
J’ai eu trois enfants.
J’ai vécu trois maternités différentes.
Trois émotions, trois réalités.
Et pourtant… même si j’ai traversé tout ça, ce que les femmes me confient est toujours unique, fragile, sacré.
Je ne compare jamais. Je n’analyse jamais à travers moi.
Je reçois. Je respecte. Je porte avec elles.
C’est là que se construit la confiance.
Et c’est dans cette confiance que naît l’un des sujets les plus importants de la grossesse :
le projet de naissance.
🌿 Beaucoup de futures mamans n’en ont jamais entendu parler.
Quand je leur demande :
« Vous avez pensé à votre projet de naissance ? »
Elles me regardent, surprise :
« Mais… je ne sais même pas ce que c’est. Je ne sais pas quoi mettre dedans. Je ne sais pas ce que j’ai le droit de demander. »
Et alors, les mots se délient.
Dans ce simple échange, elles découvrent qu’en réalité, elles ont déjà un projet, là, dans leur cœur, depuis des semaines…
mais elles ne savaient pas qu’elles avaient le droit de le formuler.
Elles me disent alors :
- “J’aimerais éviter l’épisiotomie si c’est possible…”
- “J’aimerais qu’on ne coupe pas le cordon tout de suite.”
- “J’aimerais être mobile, marcher, être sur le ballon.”
- “J’aimerais l’attraper moi-même si je peux.”
- “J’aimerais accoucher sur le côté, à quatre pattes, autrement que sur le dos.”
-“J’aimerais qu’on respecte ce moment.”
Et je leur réponds toujours :
C’est déjà un projet de naissance.
Votre projet est déjà là.
Il suffit de le mettre en mots.
🤍 Accompagner une femme à écrire ce projet, c’est accompagner sa puissance.
Je ne suis ni sage-femme, ni médecin.
Je ne me substitue à aucun professionnel de santé.
Je ne décide pas du déroulement médical d’un accouchement.
Ce n’est pas mon rôle.
Mon rôle, c’est de remettre la femme au centre de son histoire.
De lui rappeler qu’elle n’est pas spectatrice.
Qu’elle n’est pas “celle qui subit”.
Qu’elle a le droit d’avoir des souhaits, des préférences, des besoins.
Un projet de naissance n’est pas une liste d’exigences.
C’est une lettre d’intention.
C’est dire :
“Voici ce qui compte pour moi.
Voici ce qui me rassure.
Voici ce qui me ressemble.”
Les équipes médicales sont de plus en plus ouvertes à ces projets.
Elles les lisent, les respectent, les encouragent.
Mais encore faut-il que la femme sache qu’elle peut les écrire…
Et ça, trop peu le savent.
🌙 Le projet de naissance, c’est aussi le projet du couple.
Je vois tellement de papas ou de co-parents qui veulent aider, mais qui ne savent pas comment.
Ils voient leur compagne souffrir, respirer, trembler, traverser l’intensité du travail…
et ils se sentent démunis.
Un projet de naissance, c’est aussi pour eux.
C’est là qu’on explique :
— comment masser le bas du dos,
— où mettre les mains,
— comment soutenir la respiration,
— comment tenir la main,
— comment être présent sans envahir,
— comment être utile, vraiment.
C’est aussi là qu’on mentionne leurs souhaits :
couper le cordon,
être présent au peau-à-peau,
accompagner bébé pendant les soins,
rester la nuit en suite de couches,
protéger l’intimité du moment.
Un projet de naissance, c’est un projet de famille.
✨ Et puis il y a la réalité…
Parce qu’un projet de naissance n’est pas un contrat figé.
C’est un souhait, une projection, une vision du “meilleur des cas”.
Il faut le dire, le répéter, l’écrire :
Un projet peut être respecté entièrement,
à moitié,
ou très peu…
en fonction de ce qui se joue le jour J.
On n’est jamais à l’abri d’une césarienne.
Ni d’un déclenchement.
Ni d’une péridurale prise finalement alors qu’on ne la voulait pas.
Ni d’un bébé qui arrive très vite ou très lentement.
Ni d’une situation où la santé prime immédiatement sur les intentions.
Ce n’est pas un échec.
Ce n’est pas la chute d’un rêve.
Ce n’est pas “je n’ai pas réussi”.
C’est la vie.
C’est la naissance.
C’est la réalité, parfois imprévisible.
Mais même dans ces moments-là,
avoir pensé son projet permet de ne pas tout subir,
de garder un fil conducteur,
de rester actrice autant que possible,
et d’être alignée avec soi-même.
💛 Mon propre projet de naissance : le dernier, le plus doux, le plus conscient.
Je ne l’ai fait que pour mon troisième enfant.
À l’époque, ce n’était pas démocratisé comme aujourd’hui.
Mais ce projet-là… il a tout changé.
J’ai accouché dans une lumière tamisée,
dans une bulle calme,
dans une atmosphère douce, respectée, apaisée.
J’ai demandé certaines choses :
certaines ont été possibles,
d’autres non,
mais l’ensemble a créé un accouchement magnifique.
Je n’ai pas eu l’épisiotomie que j’avais eue pour mes deux premiers.
La sage-femme a respecté mon souhait et a tout fait pour me l’éviter.
Et malgré la péridurale que j’ai finalement choisie — parce que c’est ça aussi, la réalité —
j’ai vécu un moment d’une douceur inouïe.
Un moment qui m’a transformée.
Et qui m’a fait comprendre encore plus profondément
à quel point penser son accouchement est essentiel,
même si tout ne se déroule pas comme écrit.
🌸 Écrire un projet de naissance, c’est écrire un chapitre de sa maternité.
On peut ensuite le garder dans un carnet,
dans une boîte souvenir,
dans un journal de grossesse.
On peut y ajouter ce qui s’est réellement passé.
Comparer le “rêvé” et le “vécu”.
Transmettre plus tard à son enfant :
“Voilà comment je t’ai imaginé venir au monde.”
C’est beau.
C’est tendre.
C’est humain.
Un projet de naissance n’est pas là pour contraindre.
Il est là pour rassurer, connecter, apaiser, guider.
Et peu importe s’il se réalise totalement, partiellement ou pas du tout :
il a déjà rempli son rôle.
🤍 Je resterai toujours cette professionnelle qui écoute, qui informe, qui accompagne…
Jamais contre le médical.
Toujours à côté.
Pour soutenir ce que les femmes ressentent,
ce que les couples vivent,
ce que les bébés méritent.
Accompagner, c’est éclairer.
Informer, c’est rassurer.
Écouter, c’est déjà soigner.
Et le projet de naissance fait partie de cette transmission-là.
Caroline ROMOALDO
Accompagnante en périnatalité